lundi 30 octobre 2017

Texas et Lousiane, une Amérique de caractère


Après Las Vegas, la fin de mon séjour nord américain passera par le Texas et la Louisiane. On double les effectifs puisque je serai accompagné sur cette partie par mon pote Cyrille, en provenance de Stockholm. Début du périple au Texas donc, et sa capitale, Austin. Quatrième ville de l’État derrière Houston, Dallas et San Antonio, la ville se révèle agréable à vivre. Grand campus universitaire au nord, capitole au cœur et lieux de vies alignés le long de la très dynamique 6eme rue. L'ensemble des bars et des restaurants se trouvent le long de cet ancien axe historique posé à l'ombre des gratte ciels récents. Ambiance lounge-cocktails à l'ouest dans des bars aux grandes terrasses couvertes et ambiance plus rock'n'roll à l'est avec l'enfilade de bar et leurs concerts d'artistes locaux. Dans la perpendiculaire (Red River street) on retrouve une succession de clubs proposant encore plus de concerts dans des ambiances plus intimistes. L'ensemble offre une cachet underground et alternatif plutôt sympa. Tout cet espace laissé à l'activité musicale favorise l'émergence de groupes locaux. Pas surprenant donc que deux des groupes préférés de mes oreilles soient originaires d'ici (Trail of dead et Explosions in the sky). 

 


Ce séjour à Austin sera également le prétexte pour assister à un match de football américain universitaire entre les Texas Longhorns et les Oklahoma State Cowboys. Un match ultra serré qui verra la défaite des locaux en prolongation sous un soleil de plomb et une belle affluence d'environ 40.000 personnes tout d'orange vêtues. Le lendemain on remplace le ballon par le volant pour assister au grand prix de formule 1 des USA. Idéalement placé au bout de la longue ligne droite nous aurons droit à de jolis dépassements et de belles passes d'arme. Hamilton gagnera la course devant Vettel. Ocon, le premier français se classera brillamment sixième. On complétera cette session sportive par un match de basket à San Antonio entre les Spurs locaux et les Toronto Raptors. Malheureusement nous ne verrons pas briller Tony Parker, le français de l'étape. Blessé il ne participera pas à la victoire des siens. 








San Antonio est une grande ville américaine assez classique, mais son centre historique à l'architecture hispanisante est assez rafraîchissant. On retrouve les vestiges du célèbre Fort Alamo (Fort étant peut être un terme légèrement usurpé pour cette bâtisse et son mince mur d'enceinte). Plus loin on peut profiter d'une paisible promenade le long de canaux serpentants au cœur de la ville, en retrait du vacarme automobile. Des cafés et restaurants invitent à une halte au bord de l'eau. Nous opterons pour une restauration mexicaine. On récupère la voiture de location (ma cinquième du voyage) et nous filons vers la Louisiane. Une grosse première journée à traverser le Texas le long d'une autoroute rectiligne. Nous passerons par Houston. Je m'attendais à un paysage meurtri par la tempête « Harvey » . Il n'en est rien, ou tout du moins pas ou peu de stigmate visible sur notre passage. Nous arriverons en Louisiane en faisant un détour par la côte pour observer l'eau du golfe du Mexique se déverser sur des plages blanches et désertiques. Ça et là on retrouve des hameaux de maisons en bois posées sur pilotis. Le tout très faiblement animé, un ensemble assez sauvage au final.






La Louisiane est un territoire assez original, de par son histoire et sa géographie. C'est un territoire colonisé par les espagnols, les français, les acadiens (colons français de la Nouvelle-Écosse au Canada qui ont migré au sud, chassés par la couronne anglaise) et les anglais mais c'est aussi une histoire fortement marquée par l'esclavage et les plantations de cannes à sucre le long du Mississippi. On est sur un cocktail culturel assez atypique dont la Nouvelle Orléans en est le meilleur révélateur. On y retrouve une architecture coloniale (maisons an bois avec terrasses sur colonnes) assez tranchante avec ce que j'ai pu observé au travers du pays. Les noms de rue sont très francisés (mention spéciale pour la rue de Toulouse et la rue Chef Menteur). La population locale est très majoritairement noire, marqueur d'une passé colonial encore proche. Avec un peu de recul, la situation a-t-elle fondamentalement changée ? Au final, dans les restaurants, les touristes restent quasi exclusivement blancs et sont servis par un personnel quasi exclusivement noir.







Notre week-end à la Nouvelle Orléans aura plusieurs saveurs. En effet, à trois jours d'Halloween, les fêtards se sont parés de leurs plus beaux costumes et déambulent dans la rue très décadente de Bourbon Street, une sorte d'Amsterdam à la sauce cajun. La nuit a enveloppé la ville, et dans une chaleur encore toue estivale la bière coule à flot dans les bars aux enseignes lumineuses et aux décorations de citrouilles, squelettes et araignées. Les supporters des Chicago Bears venus encourager leur équipe de football américain qui joue dimanche grossissent le rang des touristes. Ça grouille le long de cette rue fermée à la circulation dans un joli brouhaha. Des sonorités de jazz s'échappent de quelques établissements et se mêlent au vacarme ambiant. Au sud du centre la très longue Magazine street offre une belle balade le long de ces maisons d'époques en bois reconverties en café, restaurants et autres boutiques.

 

Dans les terres, au sud, on est dans le bayou. Zone marécageuse constituée des méandres du Mississippi. Une superbe balade en bateau nous permettra d'explorer la faune et la flore du lac Martin. Au programme toute sorte d'oiseaux à long pieds, des tortues perchées sur des bouts de bois et bien sûr des alligators que nous approcherons à moins de cinq mètres. La coque du bateau est en métal, il faut bien ça pour se protéger de la mâchoire de l'animal garnie de prés de deux cents dents. Après les bisons des neiges, j'avoue que le lézard des marais n'est pas mal non plus. Il y a quelque chose de majestueux à observer la force tranquille de cet animal immobile au soleil. On glisse sur l'eau en slalomant entre les arbres et les nénuphars tout en profitant de jeux de lumière assez incroyable dans un calme apaisant.






Un dernier match de basket entre les New Orleans Pelicans et les Cleveland Cavaliers de Lebron James et il est temps de changer d'atmosphère et de survoler le « mur » vers le Mexique. Cela fait maintenant trois mois que j'ai quitté la France, je viens de boucler le premier quart de mon voyage, déjà. Et pourtant, je ne me suis pas encore réellement frotté à l'aventure. Mon trip nord américain a plus eu l'allure d'un patchwork touristique que d'un road-trip à la Kerouac. J'en ai conscience, et même je le savais avant de partir. Je voulais vraiment profiter de mon séjour et l'agrémenter à ma sauce avec notamment du sport et du poker. C'était donc assez calibré au final.


 
 Mais au travers des seize États traversés (New York, New Jersey, Washington, Oregon, Californie, Utah, Idaho, Wyoming, Dakota du sud, Minnesota, Wisconsin, Nevada, Arizona, Texas, Louisiane et Mississippi) j'ai vraiment appréhendé la nouvelle dimension dans laquelle je suis rentré : la liberté. Maintenant, il faut pousser le curseur plus loin et se convaincre de sortir de ce confort encore trop familier. Évidemment, le plus gros du cheminement a été fait. Mais cela reste tout de même une lutte permanente. Affronter sa peur.

Ah la peur. Notre plus grand ennemi. La peur qui nous limite et qui définit le cadre de nos vies. Les bordures à ne pas dépasser. Ce que l'on peut faire et ce que l'on ne s'autorise pas à faire. La peur qui nous circonscrit à notre zone de confort, celle de nos certitudes. Et qui bride ainsi, inconsciemment, notre liberté. On a peur de l'échec, peur de se tromper, peur d'affecter l'estime de soi et d'assumer le regard des autres. La peur, naturelle, de se confronter au changement, à l'incertitude. Pourquoi diable vouloir abandonner un état qui nous satisfait ? Finalement on a peur de la liberté, peur de faire des choix. Des vrais, ceux qui engagent. Pourquoi tenter le mieux quand le bien est suffisant ? La peur n'est pas rationnelle, elle est instinctive, elle est protectrice. C'est notre instinct de survie. L'inconnu est d'office classé comme dangereux, et on le fuit.

Cette peur se combat à l'aide de la raison, c'est ainsi qu'elle se déconstruit. C'est une lutte avec soi-même durant laquelle on essaie de dompter son inconscient. Oui, la peur n'est jamais anodine, le danger sous-jacent est bien réel. Mais quel est il vraiment ? Est il si grand ? C'est sous l'angle de cette posture que j'ai, avec du temps certes, réussi à vaincre la peur d'entreprendre ce voyage. Non pas qu'il soit sans danger ou que je l'aborde de manière inconsciente. Bien au contraire, j'en ai pris la pleine mesure. Face à chaque doute, j'ai relativisé. J'ai rationalisé chaque étape. Et un jour, elle avait disparu. Plus aucune peur n'entravait cette entreprise. Il ne restait que l'adrénaline de l'envie de découvrir. Le risque de l'échec et de la déception sont toujours là, mais ils sont apprivoisés et acceptés. Je préfère les remords aux regrets, la page gribouillée à la feuille blanche, la mémoire à l'illusion. J'ai trop longtemps cédé. J'ai trop abandonné de projets. Ou du moins, je les ai rangés dans le rayon des rêves.

Le rêve, quel triste échappatoire. Une pseudo catharsis, une réalité virtuelle, une existence imaginaire. Un vide. Un rêve est fait pour être vécu. Pour être tenté. L'échec n'est qu'une étape possible sur la route. L'échec nous nourrit, l'erreur nous enseigne. Soyons fiers de ces cicatrices de nos vies. Tout cela rend encore plus belles nos réussites finales. La peur ne se vainc pas avec du courage. C'est juste une pensée qui nous entrave et à laquelle on accorde finalement trop d'importance. Il ne tient qu'à moi de la balayer et de profiter de ce que m'offre le reste de ma route.

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1 commentaire:

  1. Je viens de rattraper près de 3 mois de récit , il était temps!!
    Ton approche est saine et rassurante.
    Tu va te régaler hors des routes déjà tracées.
    Bonne réalisation! , bonne rencontre avec les autres mais surtout avec toi même.
    Au plaisir de te lire
    Didier

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